2 décembre 2025
Farine glaciaire et bactéries
Après 3 année de travail dans le cadre des projets BINGO, MARGO et SIDEMAR, Rhéa Thoppil a soutenue sa thèse intitulée Microbial strategies of glacial iron acquisition in the Southern Ocean" devant le jury composé de Sara Beier (rapporteure), Scarlett Trimborn (rapporteure), Sophie Novilos (examinatrice), Fabien Joux (president) et Ingrid Obernosterer (directrice de thèse).


résumé :
Résumé
Le fer (Fe), oligo-élément essentiel, limite la croissance microbienne dans de vastes régions de l’océan Austral (OA). Sa disponibilité influence profondément la structure et le fonctionnement des communautés. Parmi les sources externes, le Fe colloïdal issu de l’érosion glaciaire reste peu étudié. Cette thèse explore comment les microbes de l’OA acquièrent ce Fe, en se concentrant sur la fraction colloïdale (20–200 nm) issue de la calotte glaciaire Cook (île Kerguelen). L’accent est mis sur les sidérophores, ligands organiques produits par certains procaryotes, qui facilitent la redistribution du Fe au sein des communautés et potentiellement jusqu’au phytoplancton.
Le chapitre 1 montre que les colloïdes glaciaires restructurent les communautés procaryotes, enrichissant en gènes de biosynthèse et de transport de sidérophores (pyoverdine, vibrioferrine). Ces gènes étaient largement distribués dans les génomes assemblés (MAG), bien que la biosynthèse soit restreinte à certains taxons. Ces résultats indiquent que les sidérophores facilitent l’accès au Fe colloïdal et révèlent le rôle clé de procaryotes spécifiques dans sa mise à disposition.
Le chapitre 2 examine si ces stratégies profitent aussi au phytoplancton. Des incubations à bord combinant analyses de gènes et transcrits liés au Fe et au carbone organique ont montré que l’accès procaryote au Fe glaciaire peut se répercuter sur le phytoplancton. Cela suggère des mutualismes subtils mais significatifs susceptibles de stimuler la productivité dans les eaux pauvres en Fe. L’identification des MAG porteurs et exprimant ces gènes précise le rôle de taxons distincts dans la biodisponibilité du Fe glaciaire et dans la dynamique du cycle du carbone.
Le chapitre 3 se concentre sur la pétrobactine. Des expériences avec Marinobacter nauticus et des mutants knock-out ont identifié deux transporteurs spécifiques (optA et optB). Leur présence a ensuite été examinée dans des communautés australes enrichies en Fe–pétrobactine. Les analyses métagénomiques ont révélé une forte abondance de transporteurs pirA, deux MAG de Pseudoalteromonas présentant une forte identité avec optB et une couverture plus élevée dans les incubations enrichies. L’analyse phylogénétique a montré que les transporteurs optA coévoluent avec les clusters biosynthétiques de la pétrobactine, tandis que les optB évoluent indépendamment, permettant l’exploitation de xénosidérophores.
Dans l’ensemble, cette thèse met en lumière les stratégies par lesquelles les microbes de l’OA contournent la limitation en fer et souligne leur rôle déterminant dans la dynamique des cycles biogéochimiques et le climat global